Module 1 : Formes et dynamiques des violences intrafamiliales

5. Victimes de violences intrafamiliales

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Définition

Les termes «victime/survivant(e)» se réfèrent aux personnes qui subissent des violences domestiques (victime) ou qui en ont subi (survivant(e)). L’utilisation de ces termes reflète également la terminologie employée dans les processus juridiques.

Description: La vidéo (uniquement disponible en anglais) vous renseigne sur les personnes victimes de violences intrafamiliales.
  • Les victimes de violences intrafamiliales se rencontrent dans tous les contextes sociaux, culturels, économiques et religieux. Elles englobent des individus de tous âges, de tous genres et de toutes orientations sexuelles, y compris les personnes en situation de handicap. Il est crucial de reconnaître qu’il n’existe pas de “profil spécifique” de victime.
  • Ces violences domestiques sont souvent perçues comme quelque chose «qui arrive aux autres». Les personnes non affectées ne comprennent pas souvent pourquoi la victime ne quitte pas son bourreau et pourquoi elle n’en parle à personne.

Victimes de VIF en couple

Les violences intrafamiliales au sein de couples suivent une certaine dynamique. La vidéo suivante explique ce schéma plus en détail.

Description: Cette vidéo (uniquement disponible en anglais) présente les différents types de comportements abusifs au sein d’une relation à travers l’histoire de John et Jane. Veuillez garder à l’esprit que les victimes et les auteurs de violences domestiques proviennent de tous les milieux sociaux, culturels, économiques et religieux, avec des âges, des genres et des orientations sexuelles variés, y compris des personnes handicapées.

Pour aller plus loin…

Nous vous invitons à regarder la vidéo et à répondre aux questions qui apparaîtront ensuite. Vous trouverez les réponses sur la diapo qui suivra, au dessous de chaque question.

Cycle de la violence

Il est essentiel de préciser que toutes les relations de violence domestique ne suivent pas nécessairement ce modèle cyclique. Cependant, le cycle de la violence offre un cadre précieux pour comprendre les expériences des victimes et de leur partenaire violent, ainsi que la complexité inhérente aux violences domestiques.

Le cycle de la violence domestique est souvent prévisible et se déroule généralement en trois phases, bien que la violence domestique ne soit pas toujours un processus linéaire:

Escalade de la tension
  • Tension builds over ordinary domestic issues; verbal abuse starts to emerge.
  • In response, the victim attempts to manage the situation by pleasing the perpetrator, yielding to his/her demands or avoiding confrontation, mistakenly believing that such actions will prevent further escalation.
  • Over time, the tension escalates until it reaches a critical point, leading to the explosion.
Explosion de la violence
  • Cette escalade est souvent déclenchée par un événement extérieur ou par l’état émotionnel de l’auteur, plutôt que par le comportement d’une mauvaise victime.
  • Par conséquent, le début de l’épisode violent reste imprévisible et échappe au contrôle de la victime.
Phase de lune de miel
  • L’auteur de violences peut éprouver un sentiment de honte par rapport à ses actes.
  • Il exprime des remords et tente de minimiser la gravité de la violence, en rejetant souvent la responsabilité sur la victime.
  • Par la suite, l’auteur peut faire preuve d’un comportement affectueux et aimable, accompagné d’excuses, d’actes de générosité et de serviabilité. Il s’efforce sincèrement de convaincre la victime que la violence ne se reproduira plus.
  • Ce comportement affectueux et contrit sert à renforcer le lien émotionnel entre les partenaires et est susceptible de persuader la victime qu’il n’est pas nécessaire de mettre fin à la relation.

Plus d’information sur les reproches faits aux victimes dans le Module 8.

Diversités des groupes de victimes

Certaines personnes peuvent appartenir à plusieurs groupes. Par conséquent, elles peuvent être exposées à un risque accru de violence ou à une plus grande vulnérabilité. Ces groupes peuvent inclure (mais ne doivent pas se limiter à):

Les victimes masculines
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Il est essentiel de reconnaître que les hommes peuvent également être victimes de violences intrafamiliales. Si la majorité des victimes sont des femmes, il ne faut pas oublier que les hommes peuvent également être victimes dans leurs relations. Malheureusement, les victimes masculines ne sont pas souvent signalées et restent invisibles, en particulier dans les médias. Les stéréotypes et les préjugés liés aux rôles des hommes et des femmes peuvent également contribuer à la sous-représentation des victimes masculines dans les statistiques et les décourager de chercher de l’aide ou de parler de leur expérience.

Etude de cas: Lorsque la victime est un homme

16h34 – Dispute dans le parking d’un centre commercial

On entend Mme E. pousser un cri lorsque sa tête heurte le toit de la voiture au-dessus de la portière du conducteur. Les passants remarquent alors une violente dispute et une bagarre en cours entre l’homme et la femme. Lorsque le couple monte dans la voiture, une conductrice les bloque avec son véhicule. L’homme, M. E., prend alors la fuite.

16h37 – Appel au numéro d’ urgence

L’un des passants, témoin de la scène, appelle la police.

16h50 – La police arrive sur les lieux

La déclaration de Mme E. et des témoins ne permet pas de clarifier exactement ce qui s’est passé.  Les témoins affirment avoir vu M. E. se comporter de manière violente envers Mme E.. CEPENDANT, Mme. E. déclare qu’il se sont simplement disputés, après quoi elle est montée frénétiquement dans la voiture et s’est cogné la tête. Selon ses dires, ils ont continué à se battre à l’intérieur et ont voulu rentrer chez eux mais en ont été empêchés.  D’après elle, M. E. s’est probablement enfui par pure panique, effrayé par les violentes attaques verbales des passants

Les policiers ont pris note des déclarations et des coordonnées des témoins ainsi que de Mme E. Au cours de cette procédure, des questions sont également posées à Mme E. afin d’évaluer le risque d’une nouvelle agression. Mme E. refus ensuite tout examen médical. Elle est toutefois informée de la possibilité de faire constater sa blessure dans un service ambulatoire de protection contre la violence dans les jours qui suivent, de manière légale, gratuite et, si nécessaire, anonyme. Après avoir été informée de ses droits en tant que victime, l’un des deux policiers aborde, avec prudence, la question des violences intrafamiliales et lui explique qu’elle peut avoir des conseils spécialisés et qu’il existe une approche proactive dans ce domaine. Mme E. écoute ces suggestions et l’explication des options de protection policière (ordonnance de protection judiciaire selon la loi de protection contre la violence, prise en compte des personnes en danger, expulsion, hébergement dans un centre d’accueil pour femmes), mais maintient que tout allait bien à la maison. Elle refuse toute assistance et ne veut pas de la brochure d’information qui lui est proposée. L’ensemble des circonstances indiquant un cas de violences intrafamiliales, les policiers informe Mme E. qu’une enquête va être ouverte contre son mari pour coups et blessures. Ils lui remettent également un dépliant de protection des victimes avec le numéro de dossier de la police.

Mme E. rentre finalement chez elle, seule, en utilisant les transports en commun en raison de sa blessure à la tête.

19h14 – Appel au numéro d’urgence

Les voisins de Mme E. et M.E appelle ce numéro car ils ont entendu des bruits inquiétants provenant de l’appartement du couple.

19h35 – Intervention de la police dans l’appartement du couple E.

Deux voitures de police arrivent à l’adresse du couple, puisque l’opération de l’après-midi et l’adresse du couple E. ont déjà été enregistrées dans la base de données de la police. Les agents supposent qu’il peut s’agir d’un autre incident de violence domestique. L’équipe de police qui pénètre dans l’appartement constate immédiatement que le couple et la mère de Mme E. sont en état d’ébriété. Interrogées séparément, les trois parties banalisent l’incident et précisent qu’elles sont contrariées que M. E. se soit enfui dans l’après-midi, laissant sa femme seule avec la police et une blessure à la tête. Comme M. E. et la mère de Mme E. ne présentent aucune blessure visible et qu’il n’y a aucune indication concrète d’une infraction pénale, les personnes présentes sont invitées à rester calmes et sont informées que si la police est à nouveau appelée, un rapport d’infraction administrative sera établi pour tapage nocturne.

21h44 – Autre appel d’urgence

De nouveau, un appel d’urgence des voisins pour trouble à l’ordre public. Les mots des voisins sont précisément: « Les choses s’animent vraiment à côté. Je pense qu’ils ont encore un problème. »

22h10 – Intervention de la police au domicile du couple E.

Comme on soupçonne qu’il s’agit d’un cas de violence domestique, deux voitures de police arrivent à nouveau. Parmi elles se trouvent des policiers qui étaient précédemment intervenus dans l’appartement de la famille E. Ils constatent que le degré d’intoxication alcoolique du couple E. ainsi que de la mère de Mme E. semble être beaucoup plus élevé que lors de la visite précédente. De plus, toutes les personnes sur les lieux présentent des traces de sang, des blessures aux mains, aux bras et au visage. Les blessures de M. E. sont particulièrement graves.         

Une fois de plus, les trois personnes sont entendues séparément. Mme E. et sa mère déclarent que M. E. a commencé à devenir violent envers elles et qu’elles ont dû se défendre.

M. E. s’effondre en pleurs devant un agent et dit qu’il ne pouvait plus supporter la violence de sa femme et de sa belle-mère, qui dure depuis des années, et qu’il ne savait plus quoi faire ce soir-là à part devenir violent lui aussi. Malgré son état d’ivresse avancé, M. E. semble crédible et fournit des informations concluantes sur le crime et la violence subie jusqu’à présent.

Mme E. et sa mère sont confrontées aux informations fournies par M. E., à la suite de quoi elles réagissent verbalement de manière très agressive et veulent toutes deux attaquer M. E. pour «lui montrer ce que cela signifie de répandre de tels mensonges à leur sujet». D’autres agressions violentes contre M. E. sont évitées grâce à l’intervention des forces de police présentes.

M. E. veut quitter l’appartement et ne peut être hébergé que dans un refuge pour sans-abri en raison de l’absence d’un centre d’accueil dédié aux hommes victimes de violences intrafamiliales. Il souhaite contacter un centre de conseil pour hommes victimes de violence domestique dès le lendemain et faire constater ses blessures dans une clinique de protection contre la violence en consultation externe. Contrairement à Mme E. et à sa mère, il accepte un traitement médical immédiat de ses blessures. Pour soigner ses blessures, M. E. est transporté à l’hôpital le plus proche par une ambulance. De là, il se rend seul au refuge d’urgence. Une fois encore, les deux femmes réaffirment qu’elles n’ont fait que «se défendre» contre les attaques de M. E. En conséquence, la police estime très probable que M. E. soit à nouveau victime d’agressions violentes de la part de sa femme et de la mère de celle-ci.

Dans les jours et semaines suivantes

Au cours de l’enquête, les témoins de la première dispute sur le parking et un voisin de la famille E. sont interrogés par la police. M. E. fait une longue déclaration à la police, dans laquelle il décrit à nouveau l’évolution et l’augmentation successive de la violence à son encontre, ainsi que sa crainte que quelqu’un découvre qu’il est victime de violence dans son couple.

Le rapport médico-légal de la clinique de protection contre la violence en consultation externe est également joint à l’enquête et confirme le déroulement des faits tel que décrit par M. E.. Mme E. et sa mère ne font que des déclarations concernant les accusations pénale de violence contre M. E. Ce faisant, elles s’en tiennent à leur version initiale selon laquelle M. E. a provoqué l’escalade de la violence, mais s’empêtrent dans des contradictions qui sont consignées dans le rapport. En ce qui concerne leur accusation de coups et blessures graves contre M. E., elles font toutes deux usage de leur droit de refuser de témoigner.

M. E. demande conseil auprès d’un centre de consultation dédié aux hommes victimes de violence intrafamiliales. Il se voit accorder l’usage exclusif du domicile conjugal.

Au bout de quatre semaines, l’enquête de police s’achève sur le fait que M. E. a apparemment été victime de violences de la part de sa femme et de la mère de celle-ci pendant des années. Les deux incidents sont transmis au département spécial pour les cas de violences intrafamiliales du bureau du procureur pour une décision ultérieure.

Pour aller plus loin…

(1) Examinez vos propres attitudes et croyances concernant les hommes victimes de violences intrafamiliales. Réfléchissez à tout préjugé que vous pourriez avoir et envisagez des moyens d’être plus solidaire et empathique envers les victimes de VIF.
(2) Analysez les normes culturelles et les croyances entourant la masculinité et comment celles-ci peuvent dissuader les hommes victimes de signaler les VIF ou de chercher de l’aide. Réfléchissez aux moyens de remettre en question et de redéfinir les stéréotypes sexistes néfastes qui peuvent entraver le soutien aux victimes masculines.
(3) Examiner l’intersection d’autres identités telles que la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et le statut socio-économique avec la victimisation masculine.

Personnes souffrant d’un handicap, d’une déficience ou d’une maladie mentale

« Les femmes en situation de handicap sont 2 à 5 fois plus susceptibles d’être victimes de violence que les femmes non handicapées, y compris des abus sexuels et reproductifs, tels que la stérilisation forcée.« 

Les personnes en situation de handicap ou atteintes d’une maladie de longue durée sont plus de deux fois plus susceptibles de subir une forme de violences intrafamiliales que les personnes sans handicap ou maladie de longue durée.

Vidéo “La violence à l’encontre des personnes en situation de handicap: Une épidémie silencieuse”, uniquement disponible en anglais.
Si vous ne pouvez accéder à cette vidéo, veuiller utiliser un autre navigateur ou cliquer ici: https://youtu.be/yhLsATwO0o4.

“Les partenaires intimes ou les membres de la famille jouent souvent le rôle d’aidants, et cette position de pouvoir peut être exploitée, entraînant des formes généralisées et omniprésentes de contrôle coercitif et d’isolement social.”(1)

« Dans le monde, 8 femmes autistes sur 10 et 78 % des personnes autistes non-binaires ont subi des violences sexuelles, dont plus de la moitié à plusieurs reprises.« 

eucap, 2023

Si vous cliquer ici, vous trouverez, à titre d’exemple, une fiche thématique sur la violence envers les personnes autistes.

Source: SafeLives: Spotlight Report – Disabled Survivors Too: Disabled people and domestic abuse, 2017

La communauté LGBTIQ+

Au sein de la communauté LGBTIQ+, la violence entre partenaires intimes peut prendre des formes uniques. Par exemple, un partenaire peut utiliser le « outing », c’est-à-dire la menace de révéler l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de l’autre partenaire, comme moyen de violence. En plus de nuire à la victime, cela crée aussi un obstacle qui l’empêche de chercher de l’aide.

En outre, les victimes LGBTIQ+ de la violences intrafamiliales peuvent avoir déjà subi des traumatismes physiques ou psychologiques, tels que des brimades ou des crimes de haine. Les victimes transgenres, en particulier, risquent davantage d’être confrontées à des formes spécifiques de violence de la part de leur partenaire intime, notamment des menaces, des intimidations et du harcèlement dans le cadre de leur relation abusive.

“Garder le silence“ (vidéo d’1 minute sur la communauté LGBT) uniquement disponible en anglais.
Si vous ne viualisez pas la vidéo, changez de navigateur ou cliquez ici www.youtube.com/watch?v=xShhv7cQHlc.

Pour aller plus loin…

(1) Pourquoi les personnes LGBTIQ+ sont-elles parmi les groupes les plus vulnérables face aux violences intrafamiliales?
(2) Réfléchissez aux barrières qui peuvent exister pour accéder au soutien des victimes de VIF dans le secteur de la santé.

Plus d’information sur les VIF au sein de la communauté LGBTIQ+ dans le Module 8.

Les réfugiés et les migrants

Les personnes sans citoyenneté ou sans document officiel peuvent courir un risque accru en raison de divers facteurs tels que la barrière linguistique, l’isolement social, l’accès limité à l’information ou aux ressources financières, les normes culturelles et la peur d’être expulsé.

Dans les cas de violences intrafamiliales, les migrants décident souvent de ne pas signaler ces incidents par crainte des conséquences potentielles sur leur statut migratoire. Leur statut d’immigré peut également les empêcher d’accéder à des services d’aide essentiels.

Source: WWP European Network

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Etude de cas: Victime issue de l’immigration

Nora est une femme de 34 ans issue de l’immigration. Elle vit ici dans votre pays depuis trois ans avec ses parents et ses sœurs. Nora a épousé Pierre il y a deux ans. Pierre est le fils d’un ami de la famille des parents de Nora. La famille de Nora est issue d’une culture patriarcale où la communauté passe avant l’individu.

Le mariage de Nora et Pierre a été un soulagement pour la famille de Nora car, dans leur culture, une femme de l’âge de Nora ne devrait pas être célibataire. Cependant, peu de temps après le mariage, Pierre a commencé à contrôler le comportement quotidien de Nora. il ne laisse pas Nora voir ses amis ou aller quelque part sans lui. Le cours obligatoire de langue est le seul endroit où Nora peut se rendre seule.

Pierre confisque la carte de débit de Nora et contracte des emprunts à son nom. Lorsque Nora tente de résister, Pierre devient violent et abuse d’elle. Pierre menace de renvoyer Nora dans son pays d’origine.

Nora révèle la situation à ses parents et leur demande de l’aide. Dans un premier temps, les parents prennent au sérieux le comportement violent de Pierre, mais le père de Nora décède soudainement. La mère de Nora, en deuil, n’est pas capable de s’opposer seule à la volonté de son gendre.

En même temps, Pierre répand des rumeurs sur l’immoralité de Nora afin de justifier ses actions violentes auprès de la communauté. Ces rumeurs humilient la famille de Nora. La communauté fait pression sur la mère de Nora et les familles de ses sœurs pour qu’elles rétablissent leur réputation.

La mère de Nora supplie Nora de rester avec son mari pour calmer la situation, et ses sœurs lui demandent de ne plus déranger leur mère avec ce problème. Nora se sent responsable de la violence et de la réputation de sa famille, et convient qu’il n’est pas possible de divorcer de Pierre.

Au fil du temps, la violence s’aggrave et devient plus fréquente. Un jour, Pierre étrangle Nora si longtemps qu’elle perd connaissance. Après l’étranglement, elle commence à avoir des problèmes d’élocution, surtout dans les situations stressantes. Nora se sent isolée, impuissante et déprimée.

Pierre a menacé de rendre publiques des photos privées de Nora si celle-ci « ruinait sa réputation de mari », comme il le dit lui-même. Nora est anxieuse car elle ne peut parler de ses sentiments à personne, pas même à sa famille.

Pour aller plus loin…

C’était l’histoire de Nora. Réfléchissez maintenant à ces questions:

(1) Quels types de VIF Nora subit-elle?
(2) Quels actes, situations ou conditions mettent Nora en danger?
(3) Quelles sont les situations que vous considérez comme regrettables, mais qui ne relèvent pas de votre activité en tant que primo-intervenant?

Enfants et jeunes gens
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« Dans le monde, on estime qu’un milliard d’enfants âgés de 2 à 17 ans (au maximum) ont subi des violences physiques, sexuelles ou émotionnelles, ou ont été victimes de négligence au cours de l’année écoulée. »

Source: Global prevalence of past-year violence against children: a systematic review and minimum estimates. Hillis S, Mercy J, Amobi A, Kress H. Pediatrics 2016; 137(3): e20154079.

La violence à l’encontre des enfants a des répercussions à vie sur la santé et le bien-être de ces enfants. Les enfants victime de violences intrafamiliales subissent des traumatismes importants, même s’ils sont juste témoins de ces situations de violence au sein de la famille:

  • Elle peut entraîner des comportements d’adaptation négatifs et des comportements à risque pour la santé (abus d’alcool et de drogues, taux plus élevés d’anxiété, de dépression, d’autres problèmes de santé mentale et de suicide).
  • Elle peut nuire au développement du cerveau et du système nerveux (effets négatifs sur le développement cognitif et baisse des résultats scolaires).
  • Elle peut augmenter le risque de devenir victime et/ou agresseur plus tard.

Source: OMS: Violence à l’encontre des enfants

L’étude de cas ci-dessous vient illustrer ce phénomène:

Etude de cas: Les violences intrafamiliales et leur impact négatif sur les enfants

Gabby a épousé son mari Nick après une longue relation de concubinage et s’est installée peu après dans la ferme familiale de son mari. Le couple était heureux à la ferme et a bientôt eu leur premier enfant. Pendant la grossesse, le comportement de Nick a commencé à changer et, à la naissance de leur fille, leur relation n’était plus la même qu’au début. Nick semblait renfermé et passait de longsmoments seul. Gabby a commencé à entrevoir, dans le comportement de Nick, le caractère de son beau-père, qui avait toujours été assez sévère à l’encontre de Nick.

Nick est devenu menaçant et contrôlant, en particulier en ce qui concerne l’argent et les contacts sociaux. Il est devenu de plus en plus agressif dans les disputes, il criait souvent et lancait des objets dans la pièce. Gabby pensait que, comme il ne la blessait pas physiquement, son comportement ne relevait pas de la maltraitance. Par ailleurs, Nick ne montrait pas beaucoup d’intérêt pour leur fille Jane, sauf en public, où il apparaissait comme un père adorable et aimant.

Jane était généralement une enfant bien élevée, mais Gabby s’est aperçue qu’elle ne pouvait pas la laisser seule avec quelqu’un. Jane pleurait et devenait visiblement angoissée lorsque Gabby la confiait à quelqu’un d’autre pour s’occuper d’elle. Cette situation était stressante pour Gabby et avaient un impact limitant sur ses activités sociales.

Jane a mis beaucoup de temps à ramper, marcher et commencer à parler. Ses habitudes de sommeil étaient perturbées, et bien souvent, Gabby ne dormait pas toute la nuit, même quand Jane a dépassé ses douze mois. Quand Jane a commencé à parler, elle a commencé à bégayer, ce qui a encore entravé le développement de son langage. Gabby s’inquiétait beaucoup pour Jane. Leur médecin de famille lui a dit que cela était normal pour certains enfants et que, si les problèmes d’élocution persistaient, elle pourrait toujours envoyer Jane chez un spécialiste plus tard.

Après un certain nombre d’années, le comportement de Nick est devenu intolérable pour Gabby. Pendant les disputes, il brandissait le fusil qu’il utilisait à des fins agricoles, ce que Gabby trouvait très menaçant. À plusieurs reprises, des objets lancés par Nick ont frappé Gabby, qui a eu de plus en plus peur pour leur fille. Gabby a décidé de partir et a consulté les services locaux dédiés aux femmes qui l’ont aidée à obtenir une ordonnance de protection contre Nick.

Une fois que Gabby a pu éloigner Jane de Nick, le comportement de celle-ci a changé. Le développement de Jane semblait progresser et Gabby ne comprenait pas pourquoi. Dans le cadre de sa consultation auprès d’un service local pour femmes, elle a abordé cette question et son conseiller a reconnu que le retard de développement, le bégaiement, l’irritation et l’anxiété de séparation étaient des effets de la situation de violence dans laquelle se trouvait Jane auparavant.

Cela peut être considéré comme une occasion manquée d’identifier la violence intrafamiliale. Si le médecin de famille avait interrogé Gabby ou Nick (qui s’était présenté avec des douleurs au dos chroniques) sur leur relation, sur ce qui se passait dans la famille, et spécificiquement à propos de Jane, la situation aurait pu être identifiée beaucoup plus tôt.

Pour aller plus loin…

(1) Que pourrait-on améliorer dans l’intervention des personnes impliquées?
(2) Réfléchissez aux agences/services et aux professionnels qui auraient dû être impliqués dès le début pour soutenir et/ou fournir des services à Gabby.

Adaptation d’un étude de cas du RACGP (Royal Australian College of General Practitioners – 2014): Maltraitance et Violence: Travailler avec nos patients en médecine générale.

Les personnes âgées

“Environ 1 personne âgée sur 6, vivant en communauté et âgée de 60 ans et plus a subi une forme de maltraitance  au cours de l’année dernière.”

Source: OMS, 2022

Les auteurs de violence peuvent être:

  • des enfants, d’autres membres de la famille et des conjoints, ainsi que
  • le personnel, par exemple, dans les maisons de retraite ou les résidences médicalisées.

Obstacles possibles au signalement:

  • Peur d’être confronté à d’autres abus
  • Dépendance croissante à l’égard des soignants
  • Avec l’âge, la volonté et la capacité de mettre fin à une relation abusive diminuent.

A retenir: réticentes à divulguer les violences subies. Elles peuvent avoir honte ou être gênées, ou encore vouloir aider et protéger leur enfant violent. Le fait de signaler les situations de violences intrafamiliales à la police peut leur faire perdre la relation la plus importante de leur vie.

Etude de cas: Maltraitance à l’encontre des séniors

Winnie, âgée de 69 ans, vit seule dans une petite ville de campagne. Elle est votre patiente depuis plusieurs années. Elle souffre d’arthrite sévère et nécessite de plus en plus d’aide pour les activités de la vie quotidienne. Même avec des visites régulières des services d’aide aux personnes âgées, elle a du mal à s’en sortir, mais elle refuse catégoriquement d’aller à l’hôpital régional.

Finalement, elle emménage avec sa fille, son mari et leurs jeunes fils. Les voisins commencent à se plaindre du bruit. Depuis que Winnie a emménagé, il n’y a pas beaucoup d’espace dans la maison et les enfants se disputent plus souvent, crient et jouent dehors plus souvent. La fille de Winnie ne reçoit aucune aide de ses sœurs et est censée faire face à l’augmentation des tâches de lavage, de cuisine sans se plaindre.

Lors de vos visites à domicile chez Winnie, vous remarquez qu’elle a des marques et des ecchymoses sur les bras et le haut du torse. Sa fille prétend qu’elle devient plus maladroite et qu’elle se cogne sans cesse. De plus, Winnie prend des anticoagulants. Winnie secoue simplement la tête et ne dit rien quand vous lui demandez si tout va bien à la maison, même lorsque vous lui parlez en privé. Vous n’êtes pas sûr de vouloir insister sur ce point car vous ne voulez pas contrarier qui que ce soit en lançant une fausse alerte.

Adaptation d’une étude de cas de la RACGP (2014): Maltraitance et Violence: Travailler avec nos patients en médecine générale.

Pour aller plus loin…

Réflexion autour de cette étude de cas:

(1) Que feriez-vous dans cette situation si vous étiez le médecin de Winnie?
(2) Quels sont les principaux facteurs de risque de violences intrafamiliales pour Winnie?

Femmes enceintes

« En Europe, 1 femme sur 4 subit des violences physiques et/ou sexuelle pendant sa grossesse. »

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La grossesse peut servir de catalyseur à la violence domestique et une situation de violence peut s’installer et s’intensifier pendant la grossesse ou la période postnatale. Le fait de subir des violences domestiques pendant la grossesse présente des risques graves pour la mère et l’enfant à naître. Les risques de fausse couche, d’infection, de naissance prématurée, de lésions ou même de décès du bébé sont accrus dans de telles situations.

En outre, la violence domestique pendant la grossesse peut avoir des conséquences importantes sur la santé émotionnelle et mentale. Le stress et l’anxiété causés par la présence de violences domestiques peuvent avoir un impact négatif sur le développement du bébé, ainsi que sur le bien-être de la mère.


6. Les auteurs de violences intrafamiliales

Dans les cas de VIF, il est également important d’examiner de plus près le rôle de l’auteur des violences. Le cycle de la violence ne peut être interrompu si les auteurs sont exclus. Par conséquent, il existe des institutions et des autorités (services de probation, services de libération conditionnelle, centres de conseil pour les hommes, prisons) qui sont spécialisées dans le travail avec les auteurs masculins et féminins; les femmes peuvent également être auteurs de violences.

« La campagne pour mettre fin aux VIF doit prendre en compte les  voix des hommes ainsi que celles des femmes, pour remettre en question le contexte culturel, économique et politique dans lequel nous vivons tous. »

Source: Extrait du discours de la Duchesse de Cornouailles au “Women of the World Festival (March 2020)”, National Centre for Domestic Violence, UK
Définition

Un auteur de VIF se définit comme étant une personne qui commet ou laisse sciemment se produire des actes de maltraitance, de négligence ou d’exploitation. Un acte peut également être initié par un tiers. 


Cette vidéo (uniquement disponible en anglais) vous permet de comprendre qui sont les auteurs de VIF.

Qui sont les auteurs de VIF?

À l’instar des victimes de violence domestique, les auteurs peuvent être n’importe qui, provenant de tous les âges, sexes, milieux socio-économiques, raciaux, ethniques, professionnels, éducatifs et religieux. Les agresseurs ne sont pas toujours en colère et hostiles; certains peuvent être charmants, agréables et gentils. Les auteurs diffèrent par le type de violences qu’ils commettent et leurs niveaux de dangerosité.

Vidéo uniquement disponible en anglais.
Si vous ne pouvez accéder à la vidéo, veuillez utiliser un autre navigateur ou cliquer ici : www.youtube.com/watch?v=NjijqDbcuDs.
Pourquoi les individus deviennent violents?

Les VIF sont multifactoriels: la présence de ces facteurs peut augmenter le risque de violence domestique, mais chaque auteur et chaque victime ont leur propre profil de risque.

  • Des facteurs personnels, situationnels et socio-culturels influencent la probabilité qu’une personne devienne violente.
  • Certains facteurs, comme l’abus d’alcool ou de drogues, les rôles de genre, les traumatismes passés, la grossesse et le post-partum, ainsi que les expériences de maltraitance durant l’enfance, peuvent augmenter le risque de violences intrafamiliales.
  • Dans les dynamiques de violence unidimensionnelles et unidirectionnelles, il est facile de distinguer entre la victime et l’auteur, souvent observées dans les relations abusives ou les agressions impulsives.
  • Cependant, certaines relations impliquent une violence bidirectionnelle, où les deux individus se livrent à la violence à différents moments, rendant difficile la distinction entre l’auteur et la victime.
  • La violence bidirectionnelle est plus courante dans les relations où des problèmes de dépendance existent des deux côtés.
La roue du pouvoir et du contrôle

En matière de VIF, les auteurs utilisent un ensemble de tactiques pour obtenir ou conserver le pouvoir et le contrôle sur les victimes et, dans le cas de la violences entre partenaires intimes (VPI), pour les maintenir dans la relation. La complexité n’est pas facile à illustrer par une seule image, mais la roue du pouvoir et du contrôle, introduite pour la première fois en 1984 par le Domestic Abuse Intervention Project à Duluth (Minnesota), est un bon moyen de mieux comprendre la dynamique des relations de violences intrafamiliales. L’intérieur de la roue est composé d’éléments subtils et d’éléments qui ne sont pas toujours faciles à comprendre. L’intérieur de la roue représente les comportements subtils et continus au fil du temps, tandis que l’anneau extérieur représente la violence physique et sexuelle.(1)

Copyright by the Domestic Abuse Intervention Project
202 East Superior Street, Duluth, MN, 55802
218-722-2781
Si vous ne pouvez accéder à la vidéo (disponible en anglais), veuillez utiliser un autre navigateur ou cliquer ici: www.youtube.com/watch?v=5OrAdC6ySiY.
La relation enfants/auteur des violences et son impact
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Les enfants sont souvent considérés comme les victimes « invisibles » des familles touchées par les violences intrafamiliales. Les victimes peuvent présenter des manifestations physiques et psychologiques liées au traumatisme et au stress.

Être témoin d’un acte de violence provoque chez l’enfant un mélange d’émotions : anxiété, peur, colère, affection, loyauté et amour à l’égard de l’agresseur. Les enfants peuvent diriger leur colère vers la victime au lieu d’affronter directement l’agresseur. Certains peuvent même souhaiter établir un lien positif avec l’agresseur.

Les enfants qui sont témoins de situations de violences intrafamiliales sont plus susceptibles de s’engager dans une relation abusive à l’âge adulte, que ce soit en tant qu’auteur ou en tant que victime.

Les femmes auteurs de violences

Dans la recherche et la littérature, peu d’attention a été accordée au rôle des femmes, en particulier des mères, en tant qu’auteures ou spectatrices de violence domestique.

Une étude (2021) a montré que « la population générale sous-estime l’implication des mères biologiques dans les abus sexuels sur les enfants. Les résultats confirment que les auteurs féminins représentent une proportion assez faible mais substantielle des auteurs d’abus sexuels sur enfants. En outre, les résultats indiquent que les mères jouent un rôle dans les abus sexuels – soit en tant qu’auteurs, soit en tant que spectateurs – qui a été sous-estimé jusqu’à présent ».(1)

Travail avec les auteurs de violences

Ce travail est un élément important de la lutte contre les VIF, en particulier la violence entre partenaires intimes.

Vous trouverez ici une carte interactive des programmes destinés aux auteurs de violences, des chercheurs, ainsi que des services d’aide aux victimes.


Sources

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Formes de violences les plus répandues dans le cadre des violences intrafamiliales
Formes spécifiques de violence dans le cadre des violences intrafamiliales

Mutilation Génitale Féminine (FGM)

Féminicide – Meurtres de femmes et de jeunes filles en raison du genre

Violence des enfants et des adolescents à l’égard de leurs parents

Coercition reproductive

  • (1): Grace KT, Anderson JC (October 2018). « Reproductive Coercion: A Systematic Review ». Trauma, Violence & Abuse. 19 (4): 371–390. doi:10.1177/1524838016663935. PMC 5577387. PMID 27535921.
Diversités des groupes de victimes

Personnes souffrant d’un handicap, d’une déficience ou d’une maladie mentale

Les personnes âgées

Violence liée à l’honneur

Les auteurs de violences intrafamiliales

La roue du pouvoir et du contrôle

(1): Wheel of Power and Control

Les femmes auteurs de violences

(1): Gerke J, Lipke K, Fegert JM, Rassenhofer M. Mothers as perpetrators and bystanders of child sexual abuse. Child Abuse Negl. 2021 Jul;117:105068. doi: 10.1016/j.chiabu.2021.105068. Epub 2021 Apr 17. PMID: 33878645.

La relation enfants/auteur des violences et son impact

(1): Humphreys, C. and Houghton, C. (2008), Literature Review: Better outcomes for children and young people exposed to domestic abuse – directions for good practice, Edinburgh: Scottish Government